Principale innovation de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, l’ordonnance de protection, assure, en urgence, la protection des personnes victimes de violences de la part de leur conjoint de leur partenaire d’un pacte civil de solidarité, de leur concubin ou d’une personne ayant eu, par le passé, l’une de ces trois qualités.
La loi du 4 août 2014 a aussi élargi son champ d’application, en admettant au juge aux affaires familiales de délivrer cette ordonnance lorsque des enfants ont été victimes de violences.
L’article 515-9 du Code Civil prévoit en effet que : « lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection ».
De plus, l’article 515-11 du Code Civil énonce que : « l’ordonnance de protection est délivrée, dans les meilleurs délais, par le juge aux affaires familiales, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ».
Le terme de violences désormais définit clairement par la Convention d’Istanbul ratifiée en juillet 2014 par la France, doit comporter les violences tant physiques, que psychologiques ou économiques voir administratives.
Ainsi, une ordonnance peut être demandée par la victime de violences psychologiques quand bien même, ces violences ne sont pas accompagnées de violences physiques.
L’ordonnance de protection est prononcée pour une durée maximale de six mois, durée qui peut être prolongée en cas de requête relative à l’exercice de l’autorité parentale, par le juge aux affaires familiales (JAF).
Elle est rendue sur demande de la personne victime ou, avec son accord, sur saisine du ministère public.
Elle peut comporter des obligations qui relèvent du droit pénal mais aussi du droit civil, elle a donc un caractère mixte.
En effet, selon l’article 515-11 du Code Civil, le juge aux affaires familiales peut prendre les dispositions pénales suivantes :
- « 1° Interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge aux affaires familiales, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
- 2° Interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme et, le cas échéant, lui ordonner de remettre au service de police ou de gendarmerie qu’il désigne les armes dont elle est détentrice en vue de leur dépôt au greffe »;
Dans le cadre de l’ordonnance de protection, peuvent également être prononcées des mesures qui relèvent, plus traditionnellement, du droit civil :
- « 3° Statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences, même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence ;
- 4° Préciser lequel des partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou des concubins continuera à résider dans le logement commun et statuer sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences, même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence ;
Cette disposition prévoit donc l’attribution du logement a la victime des violences.
Mariée ou non mariée, la personne victime de violences au sein de son couple aura ainsi strictement les mêmes droits s’agissant de son maintien dans le logement qu’elle occupait avec l’auteur des violences.
- 5° Se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants »;
Enfin, le Juge aux Affaires Familiales peut autoriser la victime des violences à dissimuler son adresse, afin d’éviter des représailles de la part de son conjoint ou ancien conjoint :
- « 6° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie (…),
- 6° bis Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée »;
Le non-respect des obligations ou interdictions prévues par une ordonnance de protection constitue un délit puni par l’article 227-4-2 du code pénal : de deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
En droit, l’ordonnance de protection constitue une « véritable révolution culturelle ». En effet, elle est une mesure mixte entre le droit civil et le droit pénal : son fait générateur (les violences) est une infraction pénale, sa nature est celle d’une décision civile, mais certaines des obligations ou interdictions qu’elle peut comporter relèvent davantage du droit pénal que du droit civil, et sa violation est pénalement sanctionnée.
Lorsque l’ordonnance de protection est obtenue dans des situations graves dans lesquels les violences sont susceptibles de mettre en danger des enfants, l’article 515-11 du Code Civil indique que le juge aux affaires familiales doit en informer sans délais le Procureur de la République.
De plus, l’article 515-11 du Code Civil prévoit la création d’une liste de personnes morales qualifiées en indiquant que :
« Le cas échéant, le juge présente à la partie demanderesse une liste des personnes morales qualifiées susceptibles de l’accompagner pendant toute la durée de l’ordonnance de protection. Il peut, avec son accord, transmettre à la personne morale qualifiée les coordonnées de la partie demanderesse, afin qu’elle la contacte ».
Cette liste peut donc être présentée par le juge dans le cadre d’une demande d’ordonnance de protection afin que la victime ait connaissance des associations susceptibles de l’assister dans ses démarches.
Aussi, il convient d’ajouter cette mesure est élément crucial pour les personnes étrangères victimes de violences, puisque la délivrance d’une ordonnance de protection entraîne, de plein droit, la délivrance d’un titre de séjour d’un an, que la personne soit en situation régulière ou en situation irrégulière.
Cette mesure, qui constitue l’une des grandes avancées de la loi du 9 juillet 2010, est essentielle pour aussi permettre aux femmes étrangères de dénoncer les violences dont elles sont victimes sans craindre que cette dénonciation n’implique leur expulsion du territoire français.
L’ordonnance de protection ouvre également droit au bénéfice de l’aide juridictionnelle pour les personnes étrangères, quelle que soit leur situation au regard du droit du séjour.
Plus largement, la délivrance d’une ordonnance de protection permet à la personne qui en bénéficie de se voir reconnaître le statut de victime auprès de toute institution publique.
Ainsi, les articles 18 et 19 de la loi du 9 juillet 2010 prévoient que des conventions sont passées entre l’État et les bailleurs publics et privés pour identifier des logements susceptibles d’accueillir les personnes bénéficiant d’une ordonnance de protection et que ces dernières bénéficient de règles dérogatoires en matière de droit de l’expulsion.
De même, pour ce qui est des étudiants bénéficiant d’une ordonnance de protection, il est prévu qu’ils puissent bénéficier prioritairement d’un logement des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ;
Enfin, l’ordonnance de protection, qui est, dans l’esprit du législateur, une mesure transitoire laquelle peut, in fine, déboucher sur le dépôt d’une plainte, empêche tout recours à la médiation pénale, sur le fondement de l’article 41-1 du code de procédure pénale.
Dans ces conditions, l’ordonnance de protection constitue, en complément avec la voie pénale, le meilleur moyen, pour une personne victime de violences conjugales, de faire valoir l’ensemble de ses droits.